Une fois n’est pas coutume, je suis arrivé en Guadeloupe avec un temps exécrable. Enfin, je vous rassure, pas de tempête de neige, non plus que de tempête tropicale, mais sous des seilles de flotte ! De quoi faire reverdir la moitié du Sahara. Malgré cela, j’ai été accueilli avec le sourire des autochtones et le plein de bonne humeur.
Parti de Martinique dimanche vers midi, j’ai mouillé dans l’anse de St-Pierre le soir même, tout au nord de l’île, avant d’en repartir lundi matin en contournant la Dominique par l’est pour ancrer, la nuit venue, à l’ouest de Marie-Galante vers 19h30. Dernière courte étape de deux heure et demi mardi matin pour rejoindre Pointe-à-Pitre vers midi. C’était pour moi la première navigation en solitaire dans l’archipel, en dehors de quelques sorties autour de la Martinique. Trajet sans histoires ni problèmes, juste une petite montée d’adrénaline en arrivant de nuit sur Marie-Galante. Il est en effet toujours délicat d’aborder un rivage qu’on ne connait pas de nuit, sans personne pour se faire guider, surtout signaler les éventuels casiers de pêche qui, même de jour, sont parfois difficile à discerner. Il m’aura manqué la petite heure « perdue » le matin, à déguster mon thé au soleil, pour arriver de jour. Ca doit être le sang anglais que je n’ai pas.
Pointe-à-Pitre, capitale du « Rhum »
Pointe-à-Pitre est très différente du Marin, cette marina vit et respire autour de la Route du Rhum, célèbre course transocéanique qui a lieu tous les 4 ans depuis 1978, au départ de St-Malo. La première édition de cette épreuve réputée difficile parce qu’elle se dispute en solitaire et à l’orée de l’hiver a vu la disparition polémique d’une des icônes de la course hauturière de l’époque, Alain Colas, porté disparu sur son trimaran Manureva. En outre, les deux premiers de cette édition initiale ne seront séparés que par 98 secondes après 23 jours de navigation et 3’890 miles parcourus ! La légende du « Rhum » était née. Le Canadien Mike Birch sur un petit trimaran de 35 pieds (10.7 m) l’emporte d’un souffle devant le Français Michel Malinovski sur un monocoque deux fois plus grand (21 m), asseyant ainsi la supériorité du multicoque face au monocoque. Depuis cette date, lorsqu’ils sont en concurrence directe, plus aucun monocoque ne gagnera une course hauturière au classement « scratch », même si l’édition 2002 du « Rhum » verra Ellen McArthur, sur un monocoque de 60 pieds ne finir que 6 heures derrière Michel Desjoyaux qui l’emporte sur un trimaran de même taille.
Cette édition « meurtrière » a vu pas moins de quinze multicoques abandonner sur les dix-huit alignés au départ ! Le Vaudois Stève Ravussin, alors largement en tête, chavire à deux jours de l’arrivée sur une erreur de barre, ratant l’occasion de succéder au palmarès du plus breton des Chaux-de-fonniers, Laurent Bourgnon, double vainqueur en titre de l’épreuve et non partant.
Au fil des différentes éditions, cette course a généré sa propre dramaturgie, avec de multiples abandons, exploits et rebondissements en mer. Ainsi, la seconde édition en 1982 est marquée par quinze abandons, soit un tiers du plateau, la troisième par dix-sept abandons (sur trente-trois partants) et la disparition en mer de Loïc Caradec, huit ans après celle de Colas. La quatrième édition en 1990, voit la victoire de Florence Artaud, première femme à s’imposer dans une grande course hauturière. Elle devient alors la « petite fiancée de l’Atlantique » et ouvre la voie aux femmes dans cette discipline jusqu’ici biberonnée à la testostérone.
Salut Laurent !
Bien, je ne vais pas vous (re)faire l’historique de la Route du Rhum, il y a tout ce qu’il faut sur internet pour étancher la soif des passionnés. A l’entrée de la capitainerie de Pointe-à-Pitre, il y a une petite place, sorte de rond-point qui permet aux usagers de faire demi-tour sans avoir besoin de manoeuvrer. Mon regard accroche une plaque de rue. « Place Laurent Bourgnon » est-il écrit en gros tout en haut. Réveil brutal de la tristesse ressentie en juin dernier. Soudain, tout un tas d’images ont ricoché en moi et je suis resté quelques instants coi, les larmes aux yeux, face à cette put*** de plaque ! Laurent Bourgnon a en effet disparu l’an dernier en Polynésie française en faisant de la plongée sous-marine avec des amis, vraisemblablement aspiré au fond d’un atoll par le courant. Un simple nom et deux dates écrits sur une petite plaque bleue, au bout d’une rue si loin de Suisse, m’ont fait le même effet qu’un embrun que tu prends dans la gueule quand tu ne t’y attends pas ; douché ! Ou quand l’irrationalité de l’espoir impossible, entretenu par l’absence de corps, est soudain balayé par le retour à la réalité évidente.
Me revient en mémoire la disparition de Colas, laquelle est un cas d’école de la rumeur surréaliste. De la disparition volontaire en vue de fuir, au choix, le fisc, une créature trop étouffante (femme, maîtresse, voire les deux à la fois) ou encore une armée de créanciers pressants, au suicide pour cause de raison de santé et dépression, la disparition corps et biens (*) d’Alain Colas aura alimenté les rumeurs et les théories les plus invraisemblables. Après avoir failli perdre un pied, certains racontaient qu’il avait la gangrène. Se sachant condamné, il ne l’aurait pas supporté et aurait décidé de partir en beauté. Les plus optimistes pensaient qu’il avait décidé de fuir la civilisation, ne gérant plus sa notoriété dans un contexte de rivalité avec son ancien mentor, sa majesté Tabarly. Bref, Colas n’était pas mort, il avait juste… disparu.
L’absence de cadavre nourrit l’irrationnel, les proches espèrent, les médias profitent de faire du papier ou du temps d’antenne et maintenant du clic en surfant sur les émotions d’un public gavé de people et de faits-divers. Les contempteurs bavent, les admirateurs transpirent, les théories fleurissent, le mythe s’installe. Sans preuve de la mort, il n’est pas illogique d’espérer la (sur)vie. Si la disparition de Laurent Bourgnon n’a pas déchainé de telles passions, elle a créé un émoi certain dans le milieu, trois mois après la mort brutale de Florence Arthaud. Et quantité d’images et de souvenirs ont resurgi de l’oubli.
Pour celles et ceux qui n’en ont jamais entendu parler ou si peu, Laurent Bourgnon est un marin suisse, d’origine chaux-de-fonnière, qui possède le plus beau palmarès de la voile hauturière helvétique. Il est notamment, à ce jour, le seul marin à avoir remporté deux fois la Route du Rhum, consécutivement qui plus est, en 1994 et 1998. En une décennie, il aura marqué de son empreinte la course au large. Débuts remarqués à la Solitaire du Figaro qu’il gagne en 1988 à sa première participation, en battant sur le fil Alain Gauthier, pour la cinquième fois dauphin de l’épreuve. Il a vingt-deux ans, il est le benjamin de la flottille, il court sur un bateau ancien. Deux ans plus tôt, il a traversé l’Atlantique sur un catamaran de plage avec un copain, ils arrivent en même temps que les premiers de la Route du Rhum ‘86 en Guadeloupe. Les jeunes sont partis des Canaries, les participants au « Rhum » de St-Malo. Laurent félicite Philippe Poupon, vainqueur de cette troisième édition, lequel félicite à son tour les « gamins » pour leur traversée sur un « jouet ». Plus tard, voilà ce qu’en dit Laurent, également excellent skieur : « C’est comme descendre 22 jours une piste noire sans jamais remonter. La faim, le froid, le sommeil, peu importe. Parfois, c’est tellement beau que tu cries, sous la lune, à surfer sur les vagues. Il n’y rien de plus à expliquer. Fallait le faire, c’est tout. »
Douze ans plus tard, l’amoureux des grands espaces, alors au sommet de son art, s’éloigne du milieu qui l’aura consacré et vu remporter la plupart des grandes classiques hauturières. Il aura aussi établi quelques records dont l’un tient toujours, la traversée de l’Atlantique en solitaire sur un multicoque de 60 pieds en 7 jours, 2 heures, 34 minutes et 42 secondes.
Outre sa deuxième place à la mini-transat en 1987 sur un 6.50 en gagnant l’étape Tenerife—Fort-de-France, il remporte en 1991, la course de Europe et La Baule-Dakar en solitaire et avec un bateau endommagé dès la mi-course. L’année suivante, il remporte la transat Québec – St-Malo deux petites heures devant une certaine Florence Arthaud. En 1993, à la Transat Jacques Vabre et après un duel épique avec Paul Vatine, Laurent passe la ligne d’arrivée avec une grosse heure d’avance sur celui-ci, mais ce dernier est déclaré vainqueur grâce à une bonification de neuf heures reçue ensuite d’une collision avec un bateau pneumatique au départ. Infortunes de mer. 1994 est une année faste, avec ses victoires à la Twostar (transat en double) et à la Route du Rhum. Outre le record de l’Atlantique, il établit aussi le record de distance en vingt-quatre heures : 540 miles. En 1997, il gagne la transat en double Le Havre-Carthagène avec son frère Yvan, et la course du Fastnet. Dernière grande victoire en 1998 avec son doublé à Pointe-à-Pitre. Il a en outre été sacré champion du monde des skippers cinq fois consécutives entre 1993 et 1997 et remporté deux fois le trophée Clairefontaine, série de neufs régates effectuée sur des catamarans identiques en septembre en Méditerranée. A partir de 1999, il s’éloigne de la course hauturière et se tourne, sans grand succès, vers le … rallye-raid avant de se faire construire un catamaran à moteur géant en vue de partir autour du monde avec sa famille. Arrivé en Polynésie française, il s’y fixe et développe une activité de croisières-plongée de luxe à bord de son bateau. Sa dernière apparition publique remonte à 2014 à St-Malo, invité avec tous les autres vainqueurs de la course, pour la dixième édition de la Route du Rhum.
Au-delà de son prestigieux palmarès, de ses compétences techniques et de son talent, il était pour moi une personnalité très attachante. Sa modestie, son sourire, son regard limpide et souvent farceur, ainsi qu’une pudeur qui est souvent la marque de fabrique des marins hauturiers, cachaient aussi une volonté de fer et un esprit de compétition des plus affuté, prêt à presque tout pour gagner. J’ai gardé en mémoire l’anecdote qui raconte qu’à l’arrivée très serrée d’une course (je ne sais plus laquelle), il balancé par-dessus bord absolument tout ce qu’il pouvait pour gagner du poids, donc de la vitesse et ainsi gagner. Son double exploit au « Rhum » est affiché sur les façades de la capitainerie, où il côtoie tous ceux qui l’on précédé et lui ont succédé. L’occasion pour moi le passionné, de remuer d’autres souvenirs, de remonter le temps. Que tout ça me semble là la fois lointain et proche. Sous l’un de ces portraits, quelques coquillages, anonyme hommage à la seule femme ayant remporté ce sprint transocéanique, Florence Arthaud.
Petite fiancée de l’Atlantique pour l’éternité
Quel ado, quel homme n’est pas tombé amoureux de Florence Arthaud au lendemain de sa victoire historique dans l’édition 1990 du « Rhum » ? Le 18 novembre 1990, la fille à papa rebelle, femme solaire de 33 ans, miraculée d’un accident de voiture et présente au départ de toutes les éditions depuis 1978, s’impose avec la manière devant toute la fine fleur masculine de la voile hauturière ; le précédent vainqueur Philippe Poupon, celui de l’édition initiale Mike Birch, le futur double vainqueur Laurent Bourgnon et l’actuel tenant du titre depuis 2014, Loïc Peyron. La légende de la « petite fiancée de l’Atlantique » commence. Jusqu’à cette victoire qui ne souffre aucune discussion, elle faisait office de « curiosité », de faire-valoir auprès de ses collègues masculins. L’exploit est d’autant plus retentissant qu’elle prend le départ affaiblie parce que blessée, subira plusieurs grosses hémorragies pendant la course, sans parler de problèmes techniques comme la perte de ses moyens de communication (et donc de tout contact terrestre) ou la panne de son pilote automatique. « Seule la victoire est jolie », comme le disait, dépité, Michel Malinovski dans la foulée de sa défaite en 1978 pour 98 minuscules secondes. Florence remporte la course en aveugle, comme Tabarly dans la transat anglaise en 1976. Extraits du condensé de son journal de bord après la course, pour Match :
« Instant d’émotion grandiose quand, au lever du jour, hier matin, j’ai découvert la Guadeloupe, et la fin de l’épreuve physique. Je suis seule au monde. Où sont les autres? M’ont-ils rattrapée en deux ou trois jours ? La victoire est proche, peut-être, mais rien n’est sûr. […] Aller plus vite, toujours plus vite. Mon bateau, ma maison, ma coquille, toute une histoire qui prend fin aujourd’hui. Un avion m’a survolée, certainement à la recherche des premiers concurrents. Je saute sur la V.h.f. Vite, vite, le classement ! Olivier de Kersauson me répond : « Génial ! Tu es la première. Les autres ont 50 miles de retard. » […] Et puis c’est la foule, le feu d’artifice magique au moment où je franchis la ligne d’arrivée. La cohue. La victoire. Les amis. […] Je suis heureuse. La vie est facile. La vie est belle. »
Comment, lorsqu’on a vingt-sept ans et qu’on est passionné de voile, ne pas tomber sous le charme de cette femme qui par sa volonté et sa ténacité autant que par son talent, a tenu en échec les stars de la discipline ? La suite sera malheureusement moins « facile » pour Flo. Snobée par les sponsors à qui ses frasques privées et son franc-parler font peur, elle se décourage progressivement, sentant que dans ce monde presque exclusivement masculin, elle ne parvient pas à convaincre de son professionnalisme hauturier. Epicurienne dans l’âme, elle mène une vie agitée, refuse d’entrer dans le monde lisse et policé de la com’ et sombre peu à peu dans les excès et finalement l’alcoolisme. Lorsqu’elle perd son permis de conduire et fait la une des gazettes, le public découvre que derrière l’image d’Epinal de la « petite fiancée de l’Atlantique », il y a une femme libre et libérée à la parole directe, détestant le politiquement correct. C’est pour cette raison que je l’ai toujours appréciée et respectée.
En dehors de sa victoire de 1990 en Guadeloupe, son palmarès est assez chiche. On y trouve le record de l’Atlantique Nord en solitaire la même année et une victoire à la transpacifique de 1997 en compagnie de Bruno Peyron. Cela tient aussi au fait qu’elle ne parviendra pas financer les projets qui lui tiennent à coeur, comme le record autour du monde en solitaire sur gros multicoque.
Elle participera à plusieurs course avec des équipiers comme Lionel Péan ou Luc Poupon, frère de Philipe. En 2010, pour les vingt ans de sa victoire au « Rhum », elle ne parvient pas à convaincre le sponsor qui lui aurait permis de prendre le départ à la barre d’un trimaran géant de 30 mètres (!). Sponsor qui préfère financer un homme, lequel abandonnera sur avarie après 3 jours de course. Dégoûtée, elle annonce qu’elle renonce à la voile de compétition.
Cependant, en 2015, elle accepte de participer à une émission de télé-réalité en vue de financer un projet pour une course exclusivement réservée aux femmes. Sa passion lui aura indirectement coûté la vie, puisqu’elle meurt dans un accident d’hélicoptère lors du tournage. Entrée dans la légende de la compétition hauturière de son vivant, elle accède à son panthéon pour l’éternité.
Hommage dual d’un connaisseur taciturne
Lorsque l’émotion étrangle la parole, il vaut parfois mieux se tourner vers ceux qui savent trouver les mots justes et pertinents. Je cède donc la parole à Olivier de Kersauson, autre géant de la voile hauturière, et retraité en Polynésie. « Comme Florence Arthaud, Laurent Bourgnon fait partie de ceux qui éclairent ce milieu et qui lui donnent ses charmes. Ce sont des gens qui vont toujours te manquer. Ce sont deux flammes qui s’éteignent. »
Papa Fehlmann
En 2003, ensuite de la victoire d’Alinghi à sa première participation à la Coupe de l’America, et alors que le ski suisse traverse une des grosses crises de son histoire, un journaliste français prend à partie un confrère suisse et ironise sur l’absence de résultats suisses lors de la saison 2002-2003 de ski alpin. Réponse de l’Helvète : « Quels résultats peut-on attendre en ski, de la part d’une nation de navigateurs ?! » Boutade, évidemment. Toutefois, force est de reconnaitre que la Suisse qui n’a aucun accès direct océanique, fait mieux que tenir son rang en courses hauturières et figure souvent honorablement sur les circuits des régates côtières. Bernard Stamm, Dominique Wavre, les frères Stève et Yvan Ravussin et bien évidemment les frères Bourgnon, pour ne citer que les plus connus, ont un point commun, ils sont d’origine suisse, même si la plupart n’y vit plus.
Tous ces marins ont directement ou indirectement bénéficié de la ténacité d’un Morgien, champion d’Europe de Vaurien et vice-champion du monde de 505 dans les années ’60. C’est en effet Pierre Fehlmann qui va ouvrir les portes de la navigation suisse sur le grand large au début des années ’70. Le Vaudois, forte tête à l’esprit de compétition affirmé, se lance dans son premier projet hauturier, la Transat anglaise en solitaire de 1976, celle-là même gagnée en « aveugle » par Tabarly. Les conditions météo sont dantesques, Fehlmann chavire et manque d’y laisser sa peau. Il est récupéré in-extremis dans les filets d’un porte-conteneurs alors qu’il dérive dans des vagues de douze à quinze mètres. Plus d’un seraient rentrés à la maison, pas Fehlmann.
Au contraire, il va dès lors consacrer sa vie à monter des projets autour de la compétition océanique et plus tard, dans un projet avorté de marina en République Dominicaine. La mer toujours. Il crée le SORC (Swiss Ocean Racing Club), trouve des financements, monte des projets en vue de participer à des courses hauturières et crée une société qui travaille dans le domaine des composites, persuadé que la victoire passe avant tout par la conception et la préparation de bateaux à la fois légers et résistants. Il participe ainsi à plusieurs courses autour du monde avec escales et en équipage, la fameuse Whitbread qui est devenue la Volvo Ocean Race. Le format de cette compétition a grandement évolué. A l’époque Fehlmann, elle se courait en 4 étapes, l’addition des temps de chaque étape déterminant le vainqueur. Avec un système de coefficient de pénalité selon la taille du bateau. Après deux médailles en chocolat, Pierre Fehlmann écrase l’édition 1985-1986 en temps réel, pulvérisant le record de l’épreuve de plus de deux jours. Hélas, au temps compensé, il est à nouveau quatrième sur « UBS-Switzerland ». Il finira encore les deux éditions suivantes sur la troisième marche du podium avec « Merit ». En 1987, il gagne la transat aller-retour Lorient-St-Pierre & Miquelon-Lorient, puis la Discovery Race en 1988 et Lorient St-Barth en 1989. En 1992, il gagne la transat Québec-St-Malo en monocoque, tandis qu’un certain Laurent Bourgnon l’emporte chez les multicoques. En 1995, toujours sur « UBS-Switzerland » il gagne l’Open UAP en monocoques.
Face à la montée des coût, il essaie de développer, sans succès, un projet de course autour du monde sur des bateaux monotypes, afin de réduire les coûts et mettre tous les compétiteurs à égalité des chances. Il a quinze ans d’avance et la mayonnaise ne prend pas. Rattrapé par l’âge, Fehlmann s’associe avec deux partenaires en vue de créer une marina en République Dominicaine. Ses deux comparses le lâchent, vendant leurs part à des Dominicains qui refusent le projet, préférant bâtir des résidences secondaires de luxe pour les riches Européens et Américains. Depuis lors, il essaie de récupérer ses billes dans ce projet immobilier.
Si le personnage est parfois agaçant, c’est à lui que je dois mon rêve d’ado de partir autour du monde sur un voilier. Lorsque Fehlmann monte son premier projet autour de la Whithbread, dans la foulée de son chavirage de 1976 à la transat anglaise et qui l’a rendu célèbre en Suisse, il comprend bien vite la nécessité de la communication pour trouver des sponsors. Il prend du matériel de cinéma à bord et filme sa course de l’intérieur. Après son retour et sa quatrième place en 1979, il présente son film un peu partout, notamment à Lausanne. Le régatier de seize ans que je suis, est dans la salle. N’ayant jamais mis les pieds au bord de la mer et encore moins au bord d’un océan, je tombe immédiatement amoureux de ces grands espaces, de ces lumières presqu’irréelles qu’on découvre au large. De la mer et de l’océan, je ne connais que « le monde du silence » du commandant Cousteau. Sous l’eau, c’est magnifique, mais sur l’eau, c’est encore mieux, voilà ce que je ressens après la projection. Les yeux levés vers les étoiles, la tête encore pleine d’images magnifiques, je me prends à rêver. Un jour j’irai, un jour je partirai. Trente-six ans après, j’y suis, je réalise ce vieux rêve que j’avais toujours considéré comme un peu fou. Merci, Pierre !
Il aura suffi d’une simple plaque au bout d’une petite rue de Pointe-à-Pitre pour que se rembobine tout le film d’une passion qui ne m’a jamais quitté depuis plus de quarante ans. Voilà pour les émotions des souvenirs, place maintenant à l’émotion mémorielle. Dans un prochain billet. A bientôt.
(*) On n’a jamais retrouvé le plus petit bout de Manureva et de son contenu, rien ! C’est surtout à cause de ce « détail » que l’affaire a pris de telles proportions, à l’époque.
(**) Contrairement à l’habitude, la plupart des images (toutes sauf 5) illustrant ce billet sont des photos d’archive qui ont été trouvées sur Internet. Merci à celles et ceux qui les ont shootées. 😇😋
Instructif et passionnant, j’ai appris plein de choses! Sur la navigation et sur toi! Merci pour ce partage (dense mais totalement digeste 😉)
Merci pour ce magnifique texte empli d’émotions, de souvenirs et qui nous rappelle que la nature est parfois plus forte que les hommes……….mais qu elle fait rêver. Que c’est elle qui t’a permis de nourrir ce rêve depuis si longtemps…….
Merci mon cher Oli pour cette belle leçon d’histoire. À bientôt sur le bateau de ton rêve qui est désormais encore plus compréhensible.