Installations et réparations

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Bout-dehors dans le crépuscule du Marin

Un bateau, c’est un peu comme une maison, il y a toujours quelque chose à faire, à réparer, à modifier, à ajouter ou remplacer. Azymuthe, quand bien même excellent bateau très bien entretenu depuis sa sortie des chantiers Amel de la Rochelle à toute fin 1996, n’échappe pas à la règle. Ceux qui me lisent depuis le début de cette aventure se souviendront peut-être que j’ai dû changer l’échappement à Port Camargue, puis le pilote automatique au Cap Vert et enfin le chauffe-eau, ici, en Martinique. Rien de bien particulier, il s’agit de pannes comme peuvent en survenir sur une voiture après quelques années et pas mal de kilomètres au compteur.

Cassé...
Cassé…
... net !
… net !

Comme sur une voiture, plus les options sont nombreuses, plus le risque de panne ou de casse augmente. Le Santorin est un bateau très bien équipé et bénéficie d’accessoires (de gadgets, diront certains puristes) bien pratiques et utiles, comme les enrouleurs de voiles dans les mâts, un propulseur d’étrave rétractable ou encore un système de tangons semi-fixes qui permettent de barrer le bateau assez facilement par un homme (ou une femme) seul(e). Evidemment, tout cela entraine logiquement des sources de pannes plus nombreuses. Lors de notre escapade aux Grenadines, nous avons subi quelques petits soucis, heureusement sur le retour, juste en arrivant au Marin. J’ai perdu mon hélice du propulseur d’étrave(*) et le tube de l’enrouleur de voile du grand mât s’est brisé net à la sortie du réducteur.

Le propulseur d'étrave, c'est ce "machin" qui pend à l'avant du bateau
Le propulseur d’étrave, c’est ce « machin » qui pend à l’avant du bateau
C'est l'hélice qui est "partie"...
C’est l’hélice qui est « partie »…

Si j’avais une hélice de rechange et la procédure détaillée pour le propulseur, je n’ai pas osé m’attaquer seul au tube de l’enrouleur, et c’était pourtant bien plus simple à réparer que le propulseur. Mais après avoir bien regardé l’équipe de professionnels de chez Caraïbe Gréements , je suis rassuré, si ça doit réarriver, je sais exactement comment faire. Expérience. Et j’en ai profité pour changer la drisse(**) de grand-voile qui présentait des signes de fatigue. Tout comme j’ai également changé les écoutes(***) de génois qui dataient de la guerre du Golfe !

Un bout-dehors, il me faut un bout-dehors !

Dans mon billet sur la traversée de l’Atlantique, je vous ai raconté que nous avions beaucoup changé les voiles afin de pouvoir garder la vitesse du bateau au-dessus de sept noeuds. Et que nous avions aussi beaucoup utilisé le spi. Toutefois, cette voile est un ajout qui ne figure au départ pas dans l’équipement de base du bateau. Amel est réputé pour ne pas proposer d’options sur ses bateaux (il est même impossible de choisir la couleur de la sellerie ou du pont ou de la coque), partant du principe que leurs unités sont parfaites ! Ce qui est loin d’être le cas, évidemment, même si la qualité de construction et la robustesse de leurs créations est quasi légendaire. Donc pas de spi. Si on veut en ajouter un, ce que le premier propriétaire avait fait, il faut normalement aussi ajouter un espar qu’on appelle un bout-dehors. Comme une photo vaut mille mots, voici donc ci-dessous, Azymuthe et son bout-dehors amovible. Cette pièce est nécessaire afin que le spi puisse librement passer d’un bord à l’autre du bateau. En cas de contres (le vent change brusquement de direction et envoie la voile sur l’autre bord sans prévenir), ça évite que la voile ne vienne s’appuyer contre le balcon avant et ne le plie.

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Le bout-dehors à poste avec sa sous-barbe
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Vu d’en-haut

L’installation de cette pièce est assez simple, ce qui l’est moins, c’est de la trouver en stock chez un marchand. Et quand vous êtes en Martinique, chaque commande peut prendre… un certain temps. Pour ne pas dire un temps certain. J’ai donc passablement attendu avant que toutes les pièces arrivent ici. Là aussi, après avoir regardé les pros travailler, je me suis dit que j’aurais très bien pu le faire seul, mais finalement, c’est toujours la même chose, surtout quand il s’agit de choses touchant la structure du bateau, on hésite, de peur de faire des bêtises. Et comme il s’agit d’une maison flottante, qui peut donc couler, il y a certaines choses que je préfère faire faire, du moins tant que je ne me sens pas assez sûr pour me lancer tout seul. Je progresse tranquillement, à mon rythme d’intello débonnaire. Je ne suis pas pressé, l’expérience technique viendra avec les années et les problèmes.

Mon royaume pour un taud !

Les Antilles, c’est chouette, et même plus que ça, soyons honnêtes ! Sauf à de très rares exceptions, il y fait toujours très beau et surtout très chaud, même en hiver. Et même lorsqu’il fait mauvais temps, comme avant-hier par exemple, la température ne descend pas en-dessous de 23° au coeur de la nuit. Mais lorsque le soleil brille, il est impossible d’y rester exposé toute une journée. A l’ombre, il fait entre 28 et 35°, selon que le vent souffle beaucoup ou peu. A l’intérieur du bateau, sans climatisation, il n’est pas rare que le thermomètre affiche un bon 45° ! Dans ces conditions, rester en plein soleil relève de l’inconscience pure. Seulement voilà, quand vous vivez sur votre bateau et êtes dans un mouillage magique, du genre de celui qu’on a trouvé aux Grenadines, voire même dans une marina (gasp !), « parquer » le bateau à l’ombre est évidemment utopique, les palmiers et autres bananiers ne poussant pas dans l’eau salée par trois à six mètres de fond… Et même très hauts et penchés en direction de l’onde turquoise, ils n’offrent aucun ombrage où ancrer le bateau. La vie de marin itinérant est merveilleuse, mais il y a aussi de menus inconvénients auxquels palier. La gestion du soleil et des fortes températures tropicaux en est un.

A l'ombre !
A l’ombre !
De dos
De dos

Il est donc impératif d’avoir ce qu’on appelle un taud de soleil, c’est-à-dire une grande toile qui couvre une partie du pont et du cockpit, si possible contenant au moins une partie des rayons UV. Oui, ici, on prend des coups de soleil sous les parasols, même avec un t-shirt ! En clair, il est indispensable d’installer une protection, telle une toile de tente sur une terrasse. Cela permet aussi de  garder l’intérieur du bateau assez « frais », sinon c’est la garantie de devoir dormir dans un four ! Si j’avais bien un bout de toile récupéré en Suisse avant mon départ, il ne couvre pas, et de loin, la plus grande partie d’Azymuthe. Evidemment, sur un voilier, rien n’est vraiment simple à installer, de ce point de vue, à cause du gréement qui tient le mât en place. Et le Santorin a deux mâts. A moins de vouloir assembler un patchwork de bâches et de linges de bain avec des tendeurs et des pincettes, et donc de vouloir ressembler à un camp de réfugiés syriens en Turquie, il est préférable de faire confectionner un taud sur mesure par un sellier marin, ou, en l’occurence, par une sellière marine. Puisque la journée des droits de la femme n’est passée que depuis trois jours, je relève que des efforts doivent encore être faits quant à la féminisation de certains métiers historiquement réservés aux hommes. Couturier – couturière, mais sellier – ??? Donc, je me permets modestement d’offrir le mot sellière à celles qui pratiquent ce métier plus délicat qu’il n’y paraît à première vue.

De face
De face
Détail
Détail

Lorsque Charlotte est venue prendre les mesures avec son compagnon Stéphane, j’ai très vite compris que la confection d’un tel taud est un métier, et un vrai. C’était aussi l’occasion de faire la connaissance de ce couple très sympa, arrivé en Martinique il y a presque une année. Eux aussi sont partis de France sur leur voilier, eux aussi ont traversé l’Atlantique, mais eux se sont installés ici afin de vivre au soleil toute l’année, joignant l’utile à l’agréable. Sympas, sérieux, travaillant vite et bien dans la bonne humeur, je les recommande à ceux qui auraient besoin de travaux de sellerie marine, que ce soit des réalisations sur mesure ou des réparations. Leur atelier est situé à l’extrémité ouest de l’ancienne marina du Marin, au premier étage.

Les côtés se relèvent selon les envies oui besoins
Les côtés se relèvent selon les envies ou besoins

Bien, me voilà maintenant équipé de l’indispensable pour celui qui veut vivre sur un voilier sous les tropiques. Bien entendu, certains diront que la climatisation est indispensable dans ces régions, mais il faut aussi définir le bilan énergétique du bord. Il est clair qu’un second frigo ou un congélateur, une climatisation ou encore un dessalinisateur seraient bienvenus à bord, sans parler d’un lave-linge ou d’un lave-vaisselle (si si, les voiliers récents en sont équipés d’origine !), mais ce sont des appareils énergivores et aussi des sources de pannes supplémentaires. Et je ne suis pas parti sur un voilier pour retrouver tout le confort de la vie terrestre occidentale. Au contraire ! En outre, le fait de devoir aller faire des lessives dans les buanderies qu’on trouve dans tous les ports permet de voir et rencontrer d’autres navigateurs, et, pendant que la machine tourne, de papoter, échanger des impressions ou des expériences. Rafraichissant, enrichissant.

Aussi en cas de pluie
Aussi en cas de pluie

Suite à de nombreuses questions reçues concernant le rythme de vie à bord et l’approche du grand voyage, je prépare un nouveau billet à ce sujet. Plus personnel, plus intime, peut-être l’occasion d’un nouvel échange avec Arthur qui me disait encore ce matin qu’il me trouve bien peu sociable, depuis plusieurs semaines que je n’ai pas conversé avec lui. A bientôt, donc.

(*) Propulseur d’étrave : hélice perpendiculaire à l’axe longitudinal du bateau, fixée tout près de l’étrave, et qui aide sensiblement pour les manœuvres dans les ports, le bateau étant ainsi beaucoup plus mobile. Sur le Santorin, ce propulseur est rétractable.

(**) Drisse : corde (parfois mixte avec un câble en acier inox) qui permet de hisser les voiles.

(***) Ecoute : corde qui permet de régler l’ouverture des voiles selon l’allure du bateau. Une pour la grand-voile, deux pour les focs et autres voiles d’avant. Ces écoutes subissent de très fortes tensions et s’usent assez vite, entre leur travail lui-même et les facteurs extérieurs, comme les UV, la pluie, l’eau de mer ou encore les frottements.

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