170 miles en 36 heures

En route pour Barcelone
En route pour Barcelone

C’est le temps qu’il nous a fallu pour descendre de Port-Camargue à Barcelone, soit 4.7 noeuds de moyenne. Malheureusement, sur ce temps total de 36 heures, 25 ont été faite au moteur… Pour les habitués de la navigation, ces chiffres sont parlant, mais pour les profanes ils restent assez obscurs. Petite explication que les allergiques aux maths peuvent sauter sans état d’âme :

En navigation, on ne calcule pas en métrique. On parcourt des miles nautiques (et non terrestre) en noeuds. 1 mile nautique = environ 1’850 mètres ou 1,85 kilomètre, 1 noeud (knot en anglais, abrégé kt) représentant donc 1 mile nautique par l’heure, soit 1.85 kilomètre par heure. Bien, me direz-vous, mais alors que le système métrique tend à s’imposer partout comme la norme, pourquoi diable continuer à se déplacer en noeuds sur des miles ? Tout simplement à cause de la circonférence de la terre, de sa graduation et de son temps de rotation complet. A l’équateur, la terre mesure environ 40’000 km de circonférence ou plutôt environ 21’600 miles, divisée en 360 degrés, donc 60 miles par degré. La rotation de la terre prenant 24h, chaque degré représente 4 minutes de rotation, chaque tranche de 15° à une heure ou 900 miles. Bien, essayez maintenant de faire les mêmes calculs avec le système métrique… Donc si on utilise des miles et des noeuds, c’est tout simplement pour simplifier les calculs, eh oui ! A relever que l’aviation utilise les mêmes bases de calculs, en y ajoutant l’altitude, en … pieds ! La plupart de la terminologie de l’aviation étant reprise de la navigation en ajoutant le terme aérien. On parle par exemple de navigation ou de flotte aérienne.  Pour l’anecdote, les termes décollage et atterrissage ne viennent pas de l’aviation, mais de la navigation, les termes signifiant à la base que le navire quitte la terre ferme (se décolle donc du quai ou du ponton), puis y retourne. Nous avons donc décollé de Port-Camargue samedi après-midi et atterri à Barcelone hier matin. Ce qui ne signifie pas que nous avons plané ou volé durant 36 heures !

Bateau de pêche au petit matin
Bateau de pêche au petit matin

Bien, inutile de m’envoyer vos factures d’aspirine ou d’antidépresseurs, la maison ne rembourse pas. Pas besoin non plus de sortir vos calculettes, je vous donne la conversion. Nous avons parcourus près de 315 km à une vitesse moyenne de presque 9 km/h. J’en vois déjà des qui ricanent, b’en dis donc, à cette vitesse, vous n’êtes pas arrivés aux Antilles… Ah oui, en effet, mais on s’en fiche, on n’est pas pressé. La définition de la plaisance, c’est d’aller d’un endroit où on a rien à faire à un autre endroit où on a toujours rien à faire. A part visiter, prendre du bon temps et planifier la suite du voyage. On ne va pas vite, d’accord, mais on n’a pas besoin de suivre des routes qui tournent tout le temps, bordées d’arbres, de panneaux de signalisation et de radars, on peut tranquillement boire un verre de vin sans avoir à se demander si on est sous la limite tolérée et cerise sur le gâteau, la plupart du temps, le bateau avance tout seul, grâce à notre troisième équipier aussi discret qu’infatigable, le pilote automatique. Seul bémol donc, la nécessité de mettre le moteur durant de (trop) longues heures.

Consolation, nous n’avons pas eu à affronter les coups de vent violents qui font la (mauvaise) réputation du Golfe du Lion à cette époque de l’année. En effet, à cause des Pyrénées et du relief du Languedoc-Roussillon, le vent de Nord-Ouest qui balaie le littoral méditerranéen et que tout le monde connait sous le doux nom de mistral est « arrêté » par cette chaine de montagnes qui sépare la France de l’Espagne, ou plutôt dévié et accéléré quand il arrive dans le Golfe du Lion. Il en résulte des zones où la force du vent atteint facilement 30 à 40 noeuds de vent avec des rafales atteignant les 45 – 50 noeuds ! (A propos, combien ça fait en km/h ?) En échelle de Beaufort, cela veut dire force 7 à 8 (grand frais à coup de vent) avec des rafales de force 9 à 10 (fort coup de vent à tempête). C’est qui nous était promis si nous étions parti jeudi dans la nuit, comme mentionné dans un précédent billet. Pour nous, pas question de trainer avant d’être sous les Pyrénées. D’où les heures de navigation motorisées.

La côte espagnole de nuit
La côte espagnole de nuit

Nous avons donc eu une route tranquille, bercée par le doux ronronnement de notre Volvo diesel, entrecoupée de courtes périodes de navigation à la voile seule. Nous avons croisé quelques cargos, ferries et bâtiments de croisière, sous un ciel généralement voilé, voire très nuageux, mais avec des températures agréables et douces pour la saison. La pluie, nous l’avons trouvée en arrivant à Barcelone, en entrant dans le port.

La pluie en arrivant à Barcelone
La pluie en arrivant à Barcelone
Fabrice, Pierre, Joel pour un dernier aurevoir en mer
Fabrice, Pierre, Joel pour un dernier aurevoir en mer

Nous avons aussi eu le plaisir de voir arriver Stéphane, sa compagne et son fils Paolo, venus nous dire au-revoir au ponton et ensuite au bout de la jetée nord de Port-Camargue, puis deuxième belle surprise, alors que nous étions en train de prendre le bon cap en direction de l’Espagne, nous avons encore croisé nos amis du ponton « F » venus nous souhaiter une dernière fois bon vent en mer.

Merci Pascal !
Merci Pascal !

Contrairement à ce que beaucoup croient, navigation ne rime pas avec repas froids pris sur le pouce dans des assiettes en carton sur les genoux dans le cockpit en jonglant avec des gobelets en plastique.

Santé, les gars !
Santé, les gars !

Nous prenons soin de nos estomacs et de nos papilles gustatives comme à la maison, du moins tant que l’état de la mer le permet. Si nous avons grignoté samedi soir (pain et fromage, thé et café), nous avons mangé chaud dimanche. Pascal nous a cuisiné un mélange de légumes frais sautés à poêle dans de l’huile l’olive samedi à midi et je nous ai préparé un émincé de dinde au citron avec un risotto maison le soir. Tout cela accompagné d’un bon verre de vin rouge. Et nous nous sommes restaurés confortablement installés dans le carré.

Entrée dans le port de Barcelone
Entrée dans le port de Barcelone

La navigation 24 heures sur 24 nécessite une veille visuelle permanente à bord du bateau. Pas question donc d’aller se coucher et de dormir ses huit heures chacun dans sa cabine. Nous nous relayons alternativement à la barre, surtout pendant la nuit. Ce sont les quarts. Leur rythme et leur durée est déterminé par le nombre d’équipiers à bord. Si, sur certains bateaux, un calendrier de quart précis est établi, nous préférons, sur Azymuthe, nous concerter au fur et à mesure selon l’état de forme et de fatigue de chacun. Samedi-soir, je me sentais fatigué et c’est Pascal qui a pris le premier quart, je l’ai relayé vers 2h30 du matin et jusque vers 8h00. Dimanche, ce fut l’inverse, j’ai pris le premier quart jusque vers 1h30 et Pascal m’a ensuite relayé jusque vers 7h00. Durant ces veilles nocturnes, chacun occupe son temps comme il veut, la seule obligation étant de contrôler l’environnement chaque 15 minutes, M. Pilote Automatique assumant le travail de barre. Personnellement, je profite de lire, d’échanger des SMS avec les couche-tard (quand on a du réseau) ou encore de grignoter et de me faire du thé. J’aime tout particulièrement aller m’installer sur le pont à l’avant et profiter du paysage magique en me grillant une cigarette. Comme nous avons bénéficié une lune presque pleine, suivre son jeu de cache-cache dans les nuages et la danse de son reflet sur les vagues était très apaisant. Un sentiment de plénitude que celles et ceux qui font de la montagne connaissent bien, seul(e) face à la nature et loin de l’agitation humaine de la vie à terre.

Cherchons place dans le port
Cherchons place dans le port

Pascal lit dans le cockpit sous le soleil revenu. Quand je lui demande s’il aimerait quelque chose, il me répond, oui, bouger ! Donc je vous laisse, nous allons visiter Barcelone. A bientôt.

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