Parcours du combattant

Jungle administrative...

Partir au long cours, c’est aussi l’obligation de remplir diverses conditions administratives, en particulier assurer le bateau en RC et Casco. Et c’est là que les problèmes commencent. En effet, depuis l’ouragan Katarina tristement célèbre pour avoir dévasté la Nouvelle-Orléans, les conditions d’assurances se sont fortement durcies en Casco. Azymuthe était assuré pour la navigation en Méditerranée, zone que les assureurs considèrent comme sans risque particulier en général. Il en va tout autrement lorsqu’on décide de sortir de la Méditerranée et de traverser l’Atlantique. Pour nous c’était simple, l’ancien assureur refusait purement et simplement de nous assurer. « Nous ne couvrons que la zone européenne, trouvez-vous un nouvel assureur ! ».

Non, sérieux, vous refusez de nous assurer ?!
Non, sérieux, vous refusez de nous assurer ?!

A partir de là, c’est le début d’un parcours du combattant dans la jungle administrative française. Première règle afin de pouvoir dormir la nuit : ne jamais parler assurance sur les pontons ou au bistro du port. Chacun y va de son anecdote personnelle, t’expliquant que si tu vas à telle ou telle compagnie, tu ne seras pas couvert pour ceci ou cela, que de toute façon en cas de souci, ils ne sont pas là pour t’aider, mais pour te peser sur la tête et payer le moins possible.

Ahhhh, non !
Ahhhh, non !

Disons-le tout de suite, les assureurs en général (il y a quelques exceptions qui confirment la règle) détestent les sinistres. C’est leur travail, mais ils détestent. Encaisser les primes, oui, mais dès qu’il faut décaisser, il y a soudain des tas de choses auxquelles on n’avait pas pensé ou pas vues dans le contrat. Au final, on se dit que si payer une fortune pour s’assurer ne sert à rien, autant ne pas s’assurer, à l’exception de la RC qui elle, est abordable. Mais bon, on cogite, on se dit qu’on n’est pas à l’abri d’une avarie et que vu le prix payé pour s’offrir son bateau, ce serait dommage de le perdre sans pouvoir le remplacer.

S'assurer sur Internet ?
S’assurer sur Internet ?

Donc on cherche, on lit, on passe des heures sur Internet pour essayer de trouver le bon filon, une bonne couverture à un prix raisonnable. Et bien souvent, plus on lit, plus on se rapproche de ce qui ressemble à du désespoir… J’exagère à peine, mais pour être assuré, il faut n’avoir à son bord  que des gars qui ont 30 ans d’expérience, un bateau neuf, ne sortir en mer que lorsque le vent ne souffle pas et rentrer au port tous les soirs à 17h30.

Bref, mi-août, alors que nous buvons un verre en fin de journée dans le cockpit, un gars débarque sur le ponton et propose un soit-disant contrat mirifique qui couvre tout, quasi sans franchise et sans conditions particulières. Je lui demande de m’envoyer une offre par e-mail, laquelle offre arrive finalement 3 semaines plus tard, en anglais, incompréhensible à cause du jargon technique qui la compose et d’un prix qui me fait tiquer (presque 4’000.- € de prime annuelle). C’est 4 fois plus cher que l’assurance actuelle du bateau.

Combien vous avez dit ?!
Combien, vous avez dit ?!

Ensuite, je fais deux demandes spontanées à des assureurs vantant leur connaissance de la navigation de plaisance et mettant en avant leur portefeuille bien garni de plaisanciers au long cours. Là, c’est simple, aucune réponse… C’est un peu agaçant dans le mesure où il faut à chaque fois remplir un pré-questionnaire long et fastidieux, dont certaines questions peu claires entrainent des réponses tout aussi obscures. La date de départ commençant à se rapprocher, notre ami Pierre du ponton « F » nous met en relation avec un courtier réputé sérieux et qui nous trouvera la meilleure offre possible sans concurrence. Nous donnons les renseignements souhaités et attendons une offre qui arrive quelques jours plus tard.

Nous prenons connaissance de l’offre et très vite nous déchantons. En clair, comme en rêvent tous les assureurs, ils ne couvrent presque rien, dans un périmètre extrêmement restreint et comme notre gréement dormant (haubans, étai, pataras) a plus de 10 ans, ils n’assurent pas les dégâts au-dessus du pont. Si nous démâtons, pas de couverture. Seule possibilité de couverture, changer à neuf tout le gréement dormant du bateau. Coût de l’opération : environ 7’000.- Euros, et sans aucune garantie que le nouveau gréement soit de meilleure facture que celui d’origine qui équipe le bateau.

Quoi ? Faut changer le gréement ?
Quoi ? Faut changer le gréement ?

En effet, les gréements Amel d’origine sont réputés pour leur robustesse et surtout leur longévité. Certains propriétaires d’Amel l’ont appris à leur dépend, décidant de changer leur gréement d’origine afin de pouvoir s’assurer en plein. Résultat, au moins deux de ces propriétaires ont ensuite subi des démâtages dans des conditions délicates, mais néanmoins supportables pour un bon gréement, a fortiori un gréement neuf ! D’autres naviguent depuis 30-40 ans avec leur gréement d’origine sans le moindre problème. A ma connaissance, aucun gréement d’origine Amel n’a jamais cassé. Règle tacite des Améliens : Tant que ton gréement ne présente pas de faiblesse apparente ou marquée, ne touche à rien ! L’expert qui a vu le bateau avant l’achat avait d’ailleurs relevé l’excellent état de notre gréement qui a 18 ans.

Cerise sur le gâteau, cet assureur exigeait de plus la présence à bord de 3 équipiers expérimentés pour la traversée de l’Atlantique. Corollaire, si on heurte un container au milieu de l’Atlantique et que nous sommes que deux sur le bateau, pas de couverture. Tout cela pour un montant annuel de prime frôlant les 5’000.- € !  Donc encore plus cher que la première offre en anglais. Je reconnais que j’ai passé par des moments de découragement assez intenses… Comme il n’est pas question de partir sans assurance, le stress a commencé à se faire sentir dans le carré. Bon sang, on ne va quand même pas devoir renoncer à cause de la frilosité d’assureurs qui ne sont jamais montés à bord d’un voilier de grand voyage et qui ne connaissent de la navigation de plaisance que les statistiques des ouragans et cyclones antillais ou de la piraterie au large des côtes somaliennes !

Non, mais c'est quoi votre problème ?!
Non, mais c’est quoi votre problème ?!

En désespoir de cause, je retourne sur le site de « sail the world » (STW), qui est une association de plaisanciers francophones et propose une multitude de services aux voyageurs au long cours. A maintes reprises, je suis allé sur le site pour trouver des renseignements fort utiles sur la navigation hauturière. L’accès au forum et aux dossiers concernant le grand voyage est libre et gratuit, certains services n’étant accessibles que moyennant inscription et paiement d’une (très) modeste cotisation annuelle. Ni une ni deux, je m’inscris comme membre cotisant et là, miracle, j’accède aux détails du dossier assurances, non seulement très complet et très détaillé, mais qui de plus propose des assurances sérieuses pour les plaisanciers via l’association.

En effet, STW a négocié, pour ses membres, des conditions bien plus avantageuses que celles qu’on obtient en discutant directement avec les assureurs. Avantageuses au niveau des primes et surtout des couvertures proposées. Trois conditions pour être admissible à l’assurance : être membre de STW avec une cotisation à jour, avoir rempli un questionnaire très précis concernant le bateau, les compétences de l’équipage, les éventuels antécédents d’assurances, la navigation envisagée, et enfin fournir une expertise du bateau ayant moins d’une année. Ni une ni deux, je remplis le questionnaire et l’envoie à STW qui me recontacte rapidement en me demandant des informations complémentaires, en particulier l’expertise réalisée en mai de cette année.

Cher Sail The World...
Cher Sail The World…

En trois jours je reçois une offre complète qui nous couvre en RC, Casco complète, assistance en mer, rapatriement et premiers soins en cas d’accident ou de maladie et ce sur une zone très étendue, à l’exception notable des eaux sous juridiction USA. Adieu Miami et les Keys, mais bonjour les Bahamas, le cas échéant. Les rares visites projetées aux Etats-Unis se feront par avion depuis les Caraïbes si nécessaire. Franchises supprimées après deux ans sans sinistre. Evidemment, il y a quelques restrictions concernant le devoir de prudence que ce soit politique ou météorologique. En clair, on n’est pas couvert en zones de guerre ou si on reste tranquillement au mouillage sur le trajet d’un cyclone ou d’une tempête tropicale annoncés. Et tout ça pour une prime annuelle TTC de moins de 3’000.- € !!! Contrat signé, prime payée, Azymuthe est donc paré pour le départ. Encore la réparation de l’échappement, une bonne réserve de nourriture longue conservation et Port-Camargue sera bientôt dans notre tableau arrière.

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